Article publié le 24/11/2023 dans GreenUnivers.
Si la stabilité et la prévisibilité des prix étaient les objectifs phares du gouvernement lors de la présentation de l’accord avec EDF sur l’après Arenh, rien n’est gagné pour le moment. Le dispositif demeure très flou pour les acteurs de la fourniture d’énergie, qui se penchent maintenant sur la consultation lancée il y a quelques jours pour obtenir davantage d’informations.
Les électro-intensifs favorisés ?
“Je reste circonspect car il me manque beaucoup de détails. A priori, d’après ce qui est écrit dans la consultation, EDF s’engage seulement à percevoir un revenu moyen de son parc nucléaire se situant autour de 70 €/MWh. Sa politique commerciale reste libre. Est-ce que cela veut dire qu’ils peuvent proposer des prix très attractifs aux clients électro-intensifs et ensuite vendre plus cher à tous les autres ?”, s’interroge Alexis Bouanani, Directeur de Volterres, le fournisseur d’électricité du groupe Sun’R.
EDF a commencé à détailler sa politique commerciale. Il a annoncé le début de la commercialisation de contrats de fourniture à long terme à ses clients électro-intensifs sur le modèle des PPA dans les renouvelables. Ils dureront a minima dix ans, seront adossés au parc nucléaire sans engagement de volume, pour partager le risque des actifs sous-jacents, et n’iront pas au delà de 60% des besoins de couverture d’un client. La concurrence pourra s’exercer sur le complément de fourniture, comme c’est déjà le cas pour les contrats Exeltium, a souligné Marc Benayoun, Directeur exécutif du groupe en charge du pôle client, services et territoires.
Le long terme peu attractif
“De notre côté, nous sommes plutôt sereins du fait de notre positionnement centré sur les entreprises de taille intermédiaire et les collectivités locales. Ceux qui devraient s’inquiéter, si EDF avait une totale liberté commerciale, ce sont les clients non électro-intensifs et les fournisseurs actuels des électro-intensifs”, glisse Alexis Bouanani. Une crainte d’entrave à la concurrence exprimée également par Catherine MacGregor, Directrice générale d’Engie, dans une interview à Reuters.
L’émergence de contrats sur plusieurs années entre EDF et ses concurrents n’est pas assurée non plus. “Nous nous couvrirons à long terme uniquement pour répondre à une demande de nos clients. Si EDF nous propose un produit attractif, nous le regarderons, sinon nous irons sur le marché”, précise Alexis Bouanani. “Si je m’engage pour plusieurs années à 70 €/MWh et que les prix baissent ensuite je ne serai plus compétitif”, pointe Vincent Maillard, président d’Octopus Energy France. Le volume à sécuriser peut aussi faire l’objet de variations importantes. “EDF a une masse de clients fidèles, mais ceux des alternatifs bougent plus”, observe-t-il. Sur l’ensemble du dispositif plane enfin l’ombre de Bruxelles, qui devra juger si la proposition du gouvernement est conforme à la régulation européenne en matières d’aides d’Etat.
Une autre approche, avec des moyens
En attendant que les choses s’éclaircissent, certains esquissent déjà leur stratégie. “Notre leitmotiv, c’est qu’à l’avenir l’enjeu sera de maîtriser les moyens de production, le portefeuille d’approvisionnement, et pas seulement la commercialisation, pour s’affranchir de la volatilité des marchés et préparer activement le post-Arenh”, indique le Président du directoire de Sorégies, Frédéric Bouvier.
Le fournisseur veut basculer vers des offres en “circuit court” et revoit à la hausse ses objectifs. Il vise 1 TWh de production EnR destinée à alimenter ses offres et 5 TWh agrégés en 2030. L’entreprise s’apprête à officialiser un prêt de 250 M€ de la Banque européenne d’investissement pour financer son plan stratégique ainsi que la modernisation de ses réseaux de distribution. Sorégies prévoit d’accorder une attention particulière au profil de consommation de ses clients. “De ce point de vue là, dans notre stratégie, le mégawattheure éolien a plus de valeur que le mégawattheure photovoltaïque”, souligne le Président du directoire.